Beaucoup s’en tiennent à un préjugé : « handicap = moins productif = problème », alors que si nous prenons le temps d’étudier la question avec un regard avisé de « Gestion des Talents », nous découvrons que tout handicap appelle la personne à développer des compensations à côté, à un tel point que ces aptitudes deviennent souvent de formidables Talents et que les entreprises qui le comprennent améliorent leur productivité… et leur image. C’est ainsi que nous apprenons à passer dans cet article du Handicap au Talent.
Faisons tomber les étiquettes
Ce préjugé de « problème » est lié à l’étiquette du « Handicap ». Plus notre société développe des expertises en matière de diagnostic et plus nos spécialistes découvrent de nouvelles « différences ».
La personne Asperger (Autisme dit “de haut niveau”, c’est-à-dire sans déficience intellectuelle) est même désormais classée dans la grande famille des Autistes sans distinction de l’Autisme de Kanner (avec déficience intellectuelle, souvent importante). Cette classification de l’autisme est large et complexe, et c’est d’ailleurs pour cela que nous parlons de « spectre autistique ».
Avant que la Commission de la Santé Européenne ne décide de mettre ces deux types de personnes (pathologies) dans la même catégorie, il y avait une distinction claire entre l’Asperger et le Kanner, mais depuis cette décision maladroite on affecte très vite l’image du handicap lourd au personne Asperger.
Pourtant un Asperger peut également être surdoué, se rapprochant ainsi du profil de certains génies de notre histoire. De ce fait, l’association de l’Asperger avec l’image du déficient intellectuel est malheureusement devenue quasi systématique.
Une explosion de l’autisme en France… censurée…
Puis, maintenant que l’autisme est mieux détecté, dès la toute petite enfance, nous découvrons aussi une explosion des statistiques de ce trouble de l’expertise sociale. De 300 000 personnes autistes en âge de travailler en France, nous allons passer à 3 millions d’actifs autistes dans les quelques décennies à venir (et probablement bien plus) !
Si nous dépassons cette étiquette tellement réductrice du handicap, nous découvrons qu’une personne autiste a en fait développé plusieurs Talents de compensation… que certaines entreprises innovantes recherchent déjà avec beaucoup d’intérêt.
Alors laissons tomber ces étiquettes qui nous bouchent les yeux et construisons maintenant un monde intelligent en apprenant à mieux recruter et mieux évaluer pour mieux comprendre et mieux intégrer la Diversité, car elle nous enrichit et enrichit nos entreprises !
Quand le Handicap révèle des Talents
Chaque Handicap, quelle que soit sa forme ou son impact dans la vie quotidienne, nous incite à développer des « stratégies de compensation » et donc à développer des aptitudes que d’autres n’ont pas, jusqu’à en faire parfois un Talent. Nous les avons nommés les « Talents de compensation ».
Par exemple beaucoup de personnes à mobilité réduite développent une humilité exemplaire, une générosité à toute épreuve, une sagesse de vie que nous pouvons aller jusqu’à envier. Ceux qui se portent bien sont d’ailleurs souvent ceux qui se plaignent les plus… Nous savons depuis de nombreuses décennies que ce plaisir de rendre service est très apprécié lors d’un accueil téléphonique.
L’ouverture à la Diversité grâce aux grandes entreprises
Certaines grandes entreprises l’ont compris et ont aménagé des postes pour ces personnes atypiques et/ou handicapées.
Certaines personnes ayant des différences importantes vont « choisir » la résilience, jusqu’à sublimer leur Handicap, alors que d’autres vont faire le choix de reprocher à leur entourage ces différences qui les diminuent à leurs yeux, jusqu’à parfois chercher à faire payer aux autres leur propre souffrance. Les choix que nous faisons face à nos handicaps orientent aussi notre vie (nous avons tous quelque part certains handicaps). Ce principe nous concerne donc tous, car les différences sont parfois minimes mais amplifiées par le regard de l’autre.
Au-delà du handicap visible, moteur ou mental, nous pouvons tous avoir certaines formes de « handicaps » comme la dyslexie, l’hypersensibilité, les troubles de l’attention (TDA) ou le trouble d’Asperger. Face à ces « atypismes », nous réagissons comme pour un handicap, en développant presque toujours des aptitudes avancées, jusqu’à offrir de vrais Talents de compensation.
Un bel exemple autour de la Dyslexie
Ainsi, une personne dyslexique verra des mots en volume plutôt qu’à plat, et cherchera naturellement à les décoder dans leur globalité. Il s’en suivra ce que nous connaissons tous : des difficultés à lire, inversions de lettres ou de mots, certaines erreurs plus fréquentes… Et si l’on cherche à mieux comprendre leur fonctionnement, ces personnes présentent aussi de vrais « avantages », de vrais Talents.
La NASA l’a compris depuis longtemps en recrutant volontairement 50% d’ingénieurs dyslexiques dans leur département de pilotage des modules, car la faute d’orthographe n’a pas d’impact dans ces postes, par contre ils savent mieux que les autres visualiser un objet dans l’espace ou régler un problème dans sa globalité, et surtout de manière durable !
Aptitudes et Gestion des Talents
C’est donc en étudiant de près l’intégration des critères des Atypiques dans le processus RH innovant de « Gestion des Talents » que nous avons découvert que même l’étiquette Asperger est encore plus destructrice pour un recruteur. En effet, elle constitue un blocage immédiat : « je ne suis pas préparé à cela et on va me reprocher de recruter un autiste à ce poste » ou encore « on ne sait pas recruter les personnes handicapées ».
La magie du processus RH de Gestion des Talents
En fait, la formidable précision des vrais outils de Gestion des Talents permet de surfer avec facilité sur la question des aptitudes (le savoir-être). Nous sommes tous habitués à parler de Gestion des Compétences (savoir-faire qui se transmettent par des Formations), mais nous devons tous mieux nous impliquer dans la Gestion des Talents. Cette nouvelle démarche nous permet de prendre conscience que le Talent dépend du savoir-être, au-delà de la compétence de savoir-faire. Ce savoir-être constitue ce que nous appelons désormais l’aptitude (qui n’est pas que médicale !). Et les aptitudes sont innées ou se développent en travaillant sur soi (voir notre méthode du Coaching ciblé).
Développer le savoir-être c’est développer les aptitudes
Ainsi, les entreprises devraient intégrer le fait que dans beaucoup de cas les aptitudes sont des prérequis aux formations de savoir-faire (par exemple une formation sur l’écoute est de l’argent gaspillé si elle est dispensée à des personnes qui n’ont pas d’empathie. Dans ce cas il faut d’abord s’occuper de développer l’empathie de la personne et de ne la former qu’après.
Un autre exemple : l’entreprise peut investir de gros budgets en formation de sa force de vente, si les commerciaux ne sont pas extravertis, ils ne sauront pas développer naturellement leurs réseaux commerciaux et auront du mal à négocier. De ce fait le budget formation est un ure gaspillage.
70% des formations font appel à une dominante de savoir-être
D’ailleurs, une étude que nous avons menée il y a 3 ans a démontré que 70% des formation ayant un lien avec le savoir-être (relation client, achat, management, services…) sont du pur gaspillage si les participants n’ont pas les aptitudes de savoir-être pré-requises.
Par ailleurs, en étudiant toutes les « aptitudes » des personnes Atypiques, nous avons mis en évidence que même si leurs « particularités » peuvent réduire certaines de leurs compétences, elles ont quasiment toujours développé de tels Talents, à tel point qu’elles deviennent, pour certains postes, plus performantes qu’une personne « neurotypique » (non atypique).
Et ça marche !
C’est ainsi que nous avons déjà identifié de nombreux postes pour lesquels les personnes Atypiques sont bien mieux adaptées ou bien plus doués.
Hypersensibilité et Empathie
Par exemple recruter des commerciaux Hypersensibles permet d’assurer un très haut niveau d’empathie et donc d’améliorer la satisfaction client.
Les Dyslexiques et autres Dys…
Une personne dyspraxique sera bien plus attentive aux autres et va se remarquer par sa grande attention à l’autre au sein d’un Service Client.
De nombreux postes sont bien plus adaptés à des personnes HPI (QI > 130) de par leurs besoins de diversité, alors que d’autres vivent l’imprévu comme un fort stress.
La richesse du spectre Autistique
Des personnes Autistes supportent bien mieux un travail répétitif qu’une personne neurotypique, qui s’ennuiera vite et se démotivera par l’absence de variété dans son poste, comme par exemple un travail à la chaîne. Une personne autiste peut très bien s’adapter à un poste d’emballage ou à la caisse d’un supermarché. Il suffit de la former et dans certains cas de former leur Manager (formation très courte).
En informatique, certaines particularités Asperger permettent d’offrir un travail plus fiable et de meilleure qualité : respect des conventions, procédures qualité, manière de structurer un programme…
Nous avons réalisé de belles expériences avec les services RH de grands groupes du CAC 40. Pour une personne Asperger, nous avons identifié plus de 10 Talents (sur un référentiel de 70), alors qu’une personne neurotypique en présente en moyenne entre 3 et 5…
Tous ces concepts sont réunis au sein de notre expertise sur les « Talents de Compensation » des personnes au profil atypique.
Et cela coûte moins cher !
Le coût d’une personne Autiste Kanner (avec déficience intellectuelle) vivant dans un centre spécialisé est de l’ordre de 135 K€ / an. Mais si elle travaille, d’une part elle a des revenus, d’autre part l’entreprise est gagnante si elle a su intégrer les particularités du collaborateur atypique (et handicapé) dans sa répartition du travail. L’encadrement de cette personne ne devient alors nécessaire que du soir au matin et non plus en permanence. Et la société offre à la personne une vrai Reconnaissance Sociale !
Du fait de travailler, le coût pour une personne tombe à 32 K€/an, soit une réduction des 2/3 du coût !
C’est donc jouer gagnant-gagnant sur les trois fronts : la personne (qui devient heureuse et reconnue), l’entreprise (qui donne du sens social), et l’état (nos impôts !).
Cette démarche s’étend très bien aux personnes atypiques qui se retrouvent souvent sans emploi car mal à l’aise dans leur environnement social et donc aussi au travail. Si l’on considère ensuite que l’atypisme se développe, (voir nos autres articles, dont « Atypiques, nous les devenons tous »), il est important de comprendre que tous les processus RH devront prendre en compte les particularités des personnes atypiques. Cela est bénéfique pour tout le monde. Il devient donc urgent de nous former sur les techniques modernes de la Gestion des Talents pour apprendre à valoriser la Diversité.
Contrairement à ce que penses beaucoup de DRH ou de Coachs, le terme « Gestion des Talents » n’est pas à assimiler à une mode (cela en jette de se baptiser Talent Manager…), mais est bien le fait d’acquérir de nouvelles compétences pour évaluer et développer de manière professionnelle les savoir-être des Collaborateurs. C’est donc un nouveau métier.
Les entreprises intelligentes démontrent ainsi leurs valeurs de cœur
C’est ainsi que les premières entreprises françaises qui ont expérimenté ce type d’opérations sont fières de les avoir réussies, et provoquent une très vive adhésion de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise.
Des collaborateurs ont même dit à leur dirigeant « cela donne enfin un vrai sens aux affiches placardées depuis des années sur nos murs et qui parlent de nos Valeurs ».
D’autres « voilà enfin un exemple concret de ce que vous appelez la Diversité. Ce n’est pas tout de les employer mais reconnaître leurs Talents leur permet d’être reconnus dans leur droit à l’égalité ».
En manutention
Le PDG de la Société Andros a créé 7 postes pour des personnes Autistes. Au bout de quelques années d’expérience, l’ensemble des salariés n’envisagerait en aucun cas revenir en arrière, car cette belle expérience humaine donne du sens au travail dans cette entreprise. Même le représentant syndical a remercié le dirigeant pour ce qu’il fait.
En informatique
La société Avencod emploie 100% de personnes handicapées (dont une grande partie Asperger) à travers plus d’une dizaine de CDI, et se voit être félicitée par ses clients pour la qualité de ses développements. En effet, certaines fonctions d’un processus de développement informatique demandent beaucoup de rigueur et si celles-ci sont observées, la modification ou la maintenance du logiciel est plus facile à faire, et sans cela, la qualité s’écroule et le coût explose. Apprendre à utiliser/valoriser l’atypisme est donc rentable et donne aussi du sens à l’aventure humaine positive que l’on peut proposer à son entreprise.
Dans le tertiaire
Malakoff Médéric a su adapter un poste pour une personne handicapée mentale mais qui a une mémoire remarquable, et qui sait de ce fait exactement dans quel bureau se trouve qui et pour faire quoi. La Direction générale met ce collaborateur à disposition de ses cadres ou certains visiteurs pour les accompagner au sein de l’immense bâtiment de son siège social.
En logistique
Le Groupe La Poste a su également, grâce à cette même méthode, reclasser avec succès un guichetier après des dizaines d’années de bons et loyaux services, vers un poste de développeur informatique (après formation continue). Cette personne Asperger a révélé plus de 10 Talents, alors qu’une personne neurotypique n’en présente que 3 à 5 en temps normal.
Plusieurs autres entreprises ont déjà employé des profils de personnes autistes pour relever et distribuer le courrier dans des établissements de grande taille, alors que la personne neurotypique qui faisait ce travail avant se plaignait de la répétition et de la fatigue de son poste.
L’emploi approprié de personnes atypiques devient alors une démarche stratégique pour l’entreprise, autant pour la qualité de sa production ou améliorer sa productivité, que par le fait de « donner du sens » à l’organisation, sur le plan humain.
En CyberSécurité
Orange a déjà eu l’intelligence de recruter dans son centre de CyberDéfense des cerveaux comparables à celui de Einstein, c’est à dire HPI, Asperger et HPE, pour étudier leurs modes de fonctionnement et surtout de raisonnement, afin de modéliser des algorithmes de surveillance de flux de données.
Cette belle expérience a largement de quoi valoriser les profils Asperger !
Enfin, toutes les entreprises qui ont réalisé de telles démarches ont vu leur quantité de candidatures spontanées en très forte hausse, leur permettant de réduire fortement leurs coûts de recrutement.
Cela marche en fait pour tout le monde !
Ce qu’il faut comprendre c’est que la vraie « Gestion des Talents » permet d’accompagner tous les salariés pour le développement de leurs aptitudes (savoir-être). Ainsi, grâce au processus de Gestion des Talents, chaque collaborateur bénéficie d’une évaluation bienveillante de ses aptitudes et peut ainsi mieux comprendre ce que l’entreprise attend de lui en matière d’aptitude et de comportement. La psychologie positive et l’engagement de confidentialité de la part de l’employeur rassurent les collaborateurs et permet au couple employeur-salarié de se reconnaître mutuellement et d’accompagner le changement de manière positive.
Ainsi, chaque « particularité » de chaque collaborateur peut être identifiée et prise en compte dans un processus intégré et bienveillant, et ceci sans aucune démarche d’étiquette !
Grâce à cette démarche, l’entreprise peut faire évoluer avec beaucoup de finesse son référentiel métiers en intégrant la dimension des aptitudes humaines dans sa GPEC, GPEC’H ou GPHEC.
Une prise en compte réelle des dimensions humaines dans les processus RH apporte également à l’entreprise une disparition progressive de ses Risques Psychosociaux et ses Résistances au Changement. Elle développe ainsi une capacité très fine d’intégration des « particularités » de chaque salarié et fait tomber le masque de beaucoup de situations de handicap non comprises aujourd’hui.
Grâce à la Gestion des Talents, cette nouvelle approche RH est devenue largement rentable pour l’entreprise !
Ce nouveau processus RH est en fait une nouvelle Culture RH et un vrai changement de paradigme, passant de la tragique étiquette du handicap à la valorisation de la richesse humaine et de sa diversité.
Il demande tout simplement de se former à ces nouvelles techniques de la Gestion des Talent : recruter, reconnaître, motiver, fidéliser, cocooner (préserver la santé), orienter (voir le programme de formations…).
A nous de construire notre monde humain et intelligent !
Pierre Davèze, Alorem Recherche.
Article de février 2019, mis à jour en décembre 2021
* Profils Atypiques : HPI (Surdoué), Hypersensible, Asperger, Dys, ATD-H, Bipolaire, Intuitif-Inductif ou intelligence du Cœur.
HPI : Haut Potentiel Intellectuel (QI >= 130) –
Dys : Dyslexiques, et autres dys… etc., –
DTA-H : Troubles de Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité.
* Neurotypique désigne les personnes non concernées par l’atypisme. Certains se disent « normaux » mais… le sont-ils vraiment ?
Pierre DAVEZE est Comportementaliste, Expert en Neurosciences comportementales et Chercheur en techniques de management et processus d’Assessment et Gestion des Talents. Depuis 2005 il défend la rentabilité économique du bien-être au travail et prône une nouvelle culture de la relation professionnelle en valorisant les Talents de chacun, qu’ils soient Atypiques ou Neurotypiques. Depuis 2013 il a spécialisé une activité d’Assessment et de Recrutement pour les profils Atypiques et les handicaps psychiques. Depuis 2019, il forme les équipes RH et les professionnels de l’accompagnement (Coachs, Préventeurs, Thérapeutes, Gestionnaires de Mobilité… aux nouvelles techniques de Gestion des Talents). Voir les programmes de formation…